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Oct. 12, 2021

Hélène Louvart en ARRIFLEX 416 et en ALEXA Mini

Pour le film « Never Rarely Sometimes Always », la directrice de la photographie française Hélène Louvart a utilisé des caméras ARRIFLEX 416 et a choisi l’ALEXA Mini pour d'autres projets.

Oct. 12, 2021

Travaillant indifféremment en Super 16 et en numérique, Hélène Louvart (AFC) vient de signer deux films à l'image très remarquée. Sur « Never Rarely Sometimes Always », Ours d'Argent à Berlin, la directrice de la photo a tourné en Kodak 7219 avec l'ARRIFLEX 416. Sur « Rocks », elle a utilisé plusieurs ALEXA Mini pour mieux saisir la dynamique de groupe de ces lycéennes.

Comment avez-vous été amenée à travailler avec Eliza Hittman sur « Never Rarely Sometimes Always » ?

J'avais déjà tourné « Beach Rats » avec la réalisatrice, un film d'été totalement différent, avec un univers très masculin. Alors que « Never Rarely Sometimes Always » est un film d'hiver, centré sur des personnages féminins. L'univers hivernal était très important pour Eliza. Elle voulait éviter que le voyage de ces deux jeunes filles à New York ne se transforme en vacances. Elles n'y vont pas pour leur plaisir. Il n'y a aucun rêve d'aller à Manhattan chez elle. Il fallait traduire cela visuellement. En même temps, Eliza ne voulait pas tomber dans quelque chose de trop réaliste. C'était le défi au niveau de l'image. Toujours rester sur la ligne de crête : être dans le réel, mais relever visuellement ces décors un peu trop banals. Je n'ai pas hésité à donner des touches de couleur sur les arrière-plans. J'ai aussi utilisé des éclairages Led pour adoucir un maximum et éviter que la lumière ne soit trop crue sur les visages.

Quel système caméra avez-vous utilisé sur « Never Rarely Sometimes Always » ?

J'ai entièrement tourné le film en Super 16 avec une ARRIFLEX 416 et des optiques ARRI/ZEISS Ultra Prime. J'utilise toujours la 416 quand je tourne en 16. C'est la seule caméra qui a une visée suffisamment claire et un retour moniteur correct pour le réalisateur. Ces optiques me donnent la qualité de point dont j'ai besoin quand je filme. Il y a aussi un aspect pratique, comme je travaille beaucoup à l'étranger, l'ARRIFLEX 416 est disponible presque partout dans le monde. Au niveau des objectifs, j'ai utilisé les ARRI/ZEISS Ultra Prime qui sont très juste en Super 16 : piqués comme il faut - ni trop, ni pas assez - alors qu'en numérique, je les trouve trop durs. Ils sont aussi légers et très performants. Ils forment une bonne combinaison avec le S16.

Comment avez-vous fait pour obtenir si peu de grain à l'image ? 

J'ai tourné avec de la pellicule Kodak 7219 - 500 ASA que j'ai fait développer en grain fin dès que je pouvais. En post-production, nous avons aussi dégrainé un peu quand c'était nécessaire. Notamment, dans les scènes qui se passent dans les cliniques. Il ne fallait pas que le grain interfère avec la lumière. Cela aurait brouillé la perception du personnage. Dans « Never Rarely Sometimes Always » le Super 16 apporte quelque chose d'un peu poétique à l'image. Nous ne voulions pas aller vers un rendu trop documentaire. C'est un film de fiction. Le Super 16 donne cet aspect cinéma. Il permet de trouver des instants de bonheur et de magie dans cette histoire un peu âpre : quand elles chantent ; quand elles voyagent dans le bus ; ou bien dans la scène du bowling avec cette lumière bleue pas du tout réaliste. Le Super 16 permet de déréaliser l'histoire.

Est-ce que cela vous arrive de travailler aussi en numérique ?

Je travaille indifféremment en Super 16 et en numérique. Cela dépend du désir du réalisateur, mais aussi de la réalité financière, qui passe toujours un peu devant. Dans « La vie invisible d'Eurídice Gusmão », qui est un film d'époque, le réalisateur Karim Aïnouz souhaitait tourner en pellicule. Mais pour des raisons financières et pratiques - il n'y a pas de labo photochimique au Brésil et le coût de transport devenait exorbitant - nous avons travaillé en digital avec l'ALEXA Mini. Karim en a profité pour s'amuser avec le numérique, explorer des choses nouvelles. Nous avons cherché les optiques les moins conventionnelles et opté pour des Lomo, avec tous leurs défauts. Sur la caméra, j'ai monté des filtres pour avoir du flare. J'ai aussi pas mal sous-exposé pour obtenir des montées de grain quasi irréversibles. Au fur et à mesure qu'avançait le film, nous avons ajouté de plus en plus de couleur pour égayer le numérique mais aussi pour accompagner l'état d'âme d'Eurídice. En fait, nous avons cherché à casser le support pour obtenir l'image que voulait Karim.

Et sur « Rocks » de Sarah Gavron ?

C'est une image très différente de « La vie invisible d'Eurídice Gusmão ». Pourtant, j'ai utilisé la même caméra : l'ALEXA Mini. « Rocks » est un film que nous voulions plein d'énergie. Il est à l'image de ces adolescentes qui retournent à l'école à la fin des vacances. Il fait encore beau. Elles sont assez bien intégrées dans la société. C'est un film de fin d'été avec des couleurs un peu pétantes. Le numérique s'y prêtait bien. Comme il y avait des scènes de groupe, notamment dans les classes, j'ai utilisé jusqu'à 2 ou 3 ALEXA Mini pour pouvoir filmer les réactions des unes et des autres en spontané. Cette caméra était parfaite pour avoir un dispositif le plus simple possible. Que l'on soit sur pied ou à l'épaule, elle est très bien dans les deux cas. Au niveau optique, j'ai utilisé des Mini Cooke S4. Ils apportent une douceur évidente à l'image. J'ai aussi pas mal filtré pour atténuer le côté trop dur et défini du digital. 

Vous travaillez régulièrement avec Alice Rohrwacher dont les films ont un style singulier. Quel dispositif utilisez-vous ?

Depuis son premier film, Alice a toujours tourné en Super 16. Sur « Heureux comme Lazzaro », « Les Merveilles » et « Corpo Celeste », j'ai travaillé en ARRIFLEX 416 avec de la Kodak 7219 et 7205. Pourtant, l'année dernière, j'ai tourné avec elle deux épisodes de la série « L'amie Prodigieuse » en ALEXA Mini. C'était la première fois qu'elle filmait en numérique et elle s'est aperçue qu'elle pouvait très bien s'approprier le support.

Quels sont vos projets futurs ?

J'ai terminé en juin « Viens je t'emmène » d'Alain Guiraudie. C'est un film d'hiver, avec beaucoup d'intérieurs et de scènes de nuit où je pouvais contrôler la lumière. J'ai utilisé une ALEXA Mini et des Cooke S4. Auparavant, j'ai tourné « Sous le ciel d'Alice » de Chloé Mazlo en Super 16 avec une ARRIFLEX 416. En ce moment, je suis en Grèce où je travaille avec la réalisatrice américaine Maggie Gyllenhaal sur son premier long : « The lost daughter », adapté du livre d'Elena Ferrante. Nous souhaitions tourner en Super 16 mais c'est finalement le numérique qui s'est imposé. Je filme à nouveau avec l'ALEXA Mini et les Cooke S4.