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La directrice de la photographie Caroline Guimbal à propos de son travail sur « Dalva », utilisant la technologie ARRI

La jeune directrice de la photographie Caroline Guimbal signe la subtile photo de « Dalva » en ALEXA Mini et éclairage ARRI.

Jun. 15, 2023

Couronné par deux prix à Camerimage, meilleur film et meilleure photo pour un premier long-métrage, en compétition pour la Caméra d’Or au Festival de Cannes en 2022, ce drame reçoit cette même année, le prix Louis Roederer Foundation Rising Star par la Semaine de la critique. « Dalva » d’Emmanuelle Nicot est un film très fort qui suit la reconstruction difficile d’une adolescente après une emprise incestueuse. Venue du documentaire, la très prometteuse directrice de la photographie Caroline Guimbal nous explique ses choix pour son premier long-métrage de fiction tourné en ALEXA Mini et éclairé par les SkyPanels et Series-M d’ARRI.

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« Dalva » a été le premier long-métrage de la directrice photo Caroline Guimbal

Comment s’est passée la préparation de « Dalva » avec la réalisatrice ? Quelles étaient ses attentes en matière d’image ?

C’est le premier long métrage d’Emmanuelle Nicot mais j’avais déjà travaillé avec elle sur ses deux précédents courts métrages. Nous nous connaissons donc très bien. La communication est fluide entre nous. Nous nous comprenons immédiatement, nous avons créé un langage au fil des années. De plus, avec « Dalva », Emmanuelle abordait des thèmes qu’elle avait déjà explorés dans ses courts, comme l’emprise, le déni, l’amitié. Il y a une vraie continuité dans son travail. Pour la préparation, nous avons fait beaucoup de réunions, avec des lectures de scénario. Elle me parlait énormément du personnage de Dalva, de ses mouvements émotionnels, de son évolution psychologique. C’était notre matière première pour travailler l’image et penser le découpage. 

Tout le film est conçu du point de vue de Dalva. Nous partions de ce qu’elle vit à ce moment-là, de ce qu’elle ressent, pour le traduire en image. L’idée d’Emmanuelle était d’être dans un rapport très sensoriel avec le personnage. D’où un travail sur les gros plans pour se sentir proche de Dalva, de sa peau, mais sans être impudique. Dans la toute première partie, lorsqu’elle est placée dans le foyer d’accueil, nous avons travaillé son rapport au déni, quand elle se sent traquée, qu’elle est dans le rejet de ce qui lui arrive. Cela passe par des choses très subtiles, comme le travail sur le flou, le cadre, avec des personnages coupés, de façon à traduire tout ce qu’elle refuse de voir. Et puis, petit à petit, son regard va se transformer et s’ouvrir à mesure que le film avance. Dalva va se mettre à regarder les gens et, progressivement, accepter l’environnement extérieur.

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« L’idée était d’être dans un rapport très sensoriel avec le personnage », déclare la directrice photo Caroline Guimbal

Vous avez tourné « Dalva » au format 4:3. Comment êtes-vous arrivées à ce choix singulier ? 

Dans notre réflexion avec la réalisatrice, le choix du format 4:3 a fait sens assez vite. C’était encore l’idée d’être avec Dalva, de se recentrer sur le personnage. L’environnement nous intéressait moins qu’elle. Surtout, nous voulions choisir ce que l’on montre ou non de ce qui l’entoure. On voulait pouvoir nous passer de la pièce dans laquelle elle se trouve pour être uniquement sur elle, sur son visage. Enfin, le format 4:3 nous a permis de jouer sur le hors-champ, qui est là, présent, mais flouté, coupé, et qu’elle perçoit comme une agression. Dalva est dans le déni, mais elle a aussi cette très grande détermination. Nous la suivions de 3/4 face pour mieux sentir cette ténacité, qui lui permet de tenir, de rejeter la réalité, pour tenter de se sauver. Son regard va aussi se transformer par rapport à cette féminité à laquelle elle se raccroche. Au début, elle ne regarde des personnages féminins que ce qui fait d’elles des femmes : les cheveux, les boucles d’oreilles, les objets de féminité... Et, petit à petit, elle va élargir son regard aux personnes dans leur ensemble.

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La directrice photo Caroline Guimbal s’est notamment servie du flou pour traduire le déni de la protagoniste

Quel système caméra avez-vous choisi pour tourner « Dalva » ?

Nous aurions beaucoup aimé tourner en 16mm, comme sur les précédents courts métrages d’Emmanuelle. Mais, comme nous travaillions essentiellement avec de jeunes acteurs non professionnels, nous avons finalement opté pour le numérique. Une fois cette décision prise, je voulais utiliser l’ALEXA Mini parce que c’est celle que je préfère. Nous n’avions pas besoin d’un capteur plus grand que le Super 35. J’ai aussi choisi l’ALEXA Mini car je cadrais tout le film à l’épaule et qu’il me fallait une caméra légère. 

Au niveau des optiques, nous voulions un look vintage et j’ai fait pas mal d’essais comparatifs. Beaucoup d’objectifs nous plaisaient, mais comme nous tournions en lumière naturelle, avec de forts contrastes, je me suis vite aperçue que certains pouvaient nous coincer au niveau du flare. Cela pouvait donner des flares parasites, notamment au niveau du visage des comédiens. Au final, j’ai opté pour les Zeiss Standard T2.1.

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Tourner au format 4:3 sur « Dalva » avait pour objectif de rester proche du personnage principal

Zelda Samson, la jeune comédienne de 12 ans qui joue Dalva, est formidable de vérité. Comment avez-vous abordé le travail à la caméra avec ces jeunes comédiennes non professionnelles ?

C’est toute une relation qui s’est construite avec la réalisatrice et les jeunes comédiennes sur des mois. De mon côté, je suis allé très tôt assister à des répétitions avec Zelda, pour sentir comment la filmer et pour qu’elle s’habitue à ma présence. C’était la première fois qu’elle tournait un film, mais elle a réussi très vite à faire abstraction de la caméra. Les jeunes comédiennes n’étaient pas toujours dans leurs marques et le fait de travailler à l’épaule me permettait d’être réactif, au service du jeu. Le film était très découpé à l’avance, mais beaucoup de choses ont été trouvées sur le plateau. Il y avait un canevas de base, mais beaucoup d’improvisations autour de celui-ci. C’est ça la force de travailler caméra à l’épaule. J’avais la possibilité d’y aller au feeling, de m’appuyer sur ce que les jeunes comédiennes proposaient. C’était d’autant plus important que la réalisatrice aime beaucoup avoir une caméra sensorielle, qui peut bouger.

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Pour la majorité des jeunes actrices de « Dalva », ce film a été leur premier rôle

Le foyer d’accueil, où elle est placée, Dalva joue un rôle important dans le film. Comment l’avez-vous travaillé au niveau de la lumière ?

Il y avait cette situation très difficile de Dalva, mais dans un environnement chaleureux. Même si, paradoxalement, elle se sent très mal dans le foyer d’accueil, du moins, au départ. L’idée d’Emmanuelle Nicot était de ne pas rajouter du glauque à des circonstances déjà compliquées. Le foyer est d’ailleurs à l’image de celui que la réalisatrice a connu quand elle était enfant, puisque son père est éducateur. Donc, nous avons fait le choix d’un lieu très ensoleillé, qui vient contraster avec le mal-être de Dalva. J’ai travaillé avec beaucoup de lumière naturelle, en rajoutant des entrants de soleil avec des Series-M de chez ARRI. À l’intérieur, j’utilisais plus de la LED, avec notamment des SkyPanels. Dans la séquence où elle fugue et retourne de nuit dans la maison de son père, j’ai cherché à créer une lumière plus oppressante, à base de sodium. Chaque lieu du film à une identité en matière de lumière.

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« Chaque lieu du film à une identité en matière de lumière », déclare la directrice photo Caroline Guimbal

« Dalva » est votre premier long-métrage de fiction. Votre expérience du documentaire a dû vous être précieuse sur le tournage ?

Je pense que c’est avant tout un bagage humain. En documentaire, il y a cette attention aux protagonistes qui est très importante, mais, aussi, une forme de liberté, de pouvoir s’adapter aux situations. J’ai retrouvé cela dans « Dalva », même si l’équipe était plus importante que sur un documentaire. En ce moment, j’ai plusieurs projets de documentaires à Bruxelles, mais la fiction continue de m’attirer. En fait, je crois que les deux m’intéressent. J’aime beaucoup le documentaire, mais je sens que la fiction permet des choses différentes dans l’écriture d’un personnage à l’image. On peut rentrer encore plus dans son intimité et cela me plaît.