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May 12, 2022

Thomas Hardmeier et Laurent Héritier sur « Bigbug » mettant en scène les caméras, optiques et lumières ARRI

Thomas Hardmeier, directeur de la photo et son chef electro Laurent Héritier livrent leur expérience de tournage avec l’ALEXA LF, l’ALEXA Mini LF, les ARRI Signature Primes et les SkyPanels sur le nouveau film de Jean-Pierre Jeunet, « Bigbug » pour Netflix. 

May 12, 2022

César de la meilleure photo pour « L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet », Thomas Hardmeier retrouve Jean-Pierre Jeunet huit ans après pour « Bigbug », son nouveau long métrage produit par Netflix. Un tournage réalisé intégralement en studio à Bry-sur-Marne pour lequel le directeur de la photo a choisi le combo ALEXA LF, ALEXA Mini LF et optiques ARRI Signature Primes. Dans une seconde interview, le gaffer Laurent Héritier parle de sa contribution sur « Bigbug » et ce qu’il appelle « La plus belle installation lumière » de sa carrière.

Interview avec le directeur de la photo Thomas Hardmeier sur « Bigbug »

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Acteurs Stéphane De Groodt et Elsa Zylberstein sur « Bigbug »

M. Hardmeier, c'est la seconde fois que vous tournez avec Jean-Pierre Jeunet. Avait-il des demandes particulières pour le tournage de « Bigbug » ?

Cela fait près de quatre ans qu'il m'a parlé de ce projet, qui était difficile à monter pour le cinéma. C'est une comédie d'anticipation dans le style de Jeunet, avec confrontation d’humains et robots dans un pavillon de banlieue en 2050. Comme nous tournions en studio dans un décor unique, il souhaitait un plafond lumineux pour accélérer la mise en place lumière et dégager du temps pour la mise en scène. J'ai donc collaboré très étroitement avec Aline Bonetto, la chef décoratrice qui a fait un travail extraordinaire, pour trouver des solutions techniques et esthétiques.

Quelles solutions avez-vous mises en œuvre au niveau lumière ?

Je sais d'expérience que Jean-Pierre aime avoir des teintes chaudes à l'image. Il ne voulait surtout pas faire un film d'anticipation avec les couleurs froides habituelles de la science-fiction. Pour la lumière, nous avions la base, qui était le plafond, éclairé par 93 SkyPanels S60s, et, avec Aline Bonetto, nous avons intégré beaucoup de LED dans le décor, que ce soit des rubans LED ou des plaques souples. Cela me permettait de structurer les fonds. Ensuite, pour éviter d'être monochrome, j'ai joué sur la couleur de ces différentes sources : vert, bleu, jaune, fuchsia, etc. Tous les prétextes étaient bons pour que je crée des contrastes de couleur dans l'image. Une semaine avant le début du tournage, nous avons réalisé avec Jean-Pierre des tests avec les comédiens en costume et dans le décor, de façon à travailler en détail les teintes, les lumières et créer des ambiances prédéfinies. Toutes les LEDs, dont les SkyPanels et les lumières de jeu, étaient réglables depuis une console. C'était génial. Je pouvais tout contrôler à distance et voir de suite le résultat. C'était très intuitif. Cela libère beaucoup la créativité pour moi et Jean-Pierre.

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L’ALEXA Mini LF sur le tournage du film Netflix « Bigbug » de Jean-Pierre Jeunet

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Geoffroy Saint-Hilaire derrière l’ALEXA LF

Pourquoi avoir choisi l'ALEXA LF et l'ALEXA Mini LF pour tourner « Bigbug » ?

Je voulais tourner le film en grand format. Au début, j'ai pensé utiliser l'ALEXA 65 mais Jean-Pierre Jeunet aime tourner en courte focale, avec les comédiens au premier plan et beaucoup de profondeur de champ. Comme je ne tourne qu'en ALEXA, j'ai choisi de travailler avec l'ALEXA LF. Sur le plateau, nous avions une LF sur Dolly et une Mini LF sur Steadicam, avec Geoffroy Saint-Hilaire au cadre. Nous utilisions le corps caméra de manière interchangeable. Pour moi, l'ALEXA LF est dans la continuité directe de l'ALEXA classique. Elle apporte un vrai confort de travail quand on est au cadre et c'est une vraie caméra avec plein de possibilités d'accessoirisation. Au niveau de l'image, si je veux aller chercher des infos dans les noirs, il n'y a clairement que l'ALEXA. Sans parler de son rendu doux et de sa grande latitude d'exposition. On retrouve tout cela dans l'ALEXA LF. De plus, travailler en grand format m'a permis de gagner sur les rapports de focale. La plupart du temps, Jean-Pierre Jeunet travaille avec un 18 mm ou un 21 mm en S-35 mm, jamais avec de longues focales. Une grande partie de « Bigbug » est tournée au 25 mm, mais grâce au grand format de l'ALEXA LF, cela donne le rendu d'un 16 mm, mais sans aucune déformation. C'était la caméra parfaite pour « Bigbug ».

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Geoffroy Saint-Hilaire au cadre et l’ALEXA Mini LF

Au niveau des optiques, qu'avez-vous pensé des ARRI Signature Primes ? 

Pour moi, les ARRI Signature Primes sont dans la continuité directe des Master Prime, mais adaptés au 4K. Ils sont très piqués et c'est le genre d'image qu'affectionne Jean-Pierre Jeunet dans ses films. J'ai quand même réalisé des essais. J'ai comparé les ARRI Signature Primes avec d’autres optiques grand format. La série ARRI était la seule à être parfaitement sharp et à m'offrir le meilleur minimum de point. J'ai tourné « Bigbug » avec un diaph de 5,6 ou 8 pour obtenir le maximum de profondeur de champ tout en ayant les personnages nets au premier plan. Pour gagner un diaph supplémentaire, j'ai exposé l'ALEXA LF à 2000 ASA. 

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Les ARRI Signature Primes et les acteurs Stéphane De Groodt et Elsa Zylberstein

Vous avez travaillé en HDR. Pourquoi ?

En postproduction, nous avons étalonné « Bigbug » en HDR, mais avons aussi fait une version en SDR. L'avantage du HDR est la plus grande latitude qu'il offre au niveau de l'image. Il permet notamment de conserver plus de détails dans les hautes lumières. Mais sur ce film, nous avons beaucoup de Practicals dans le champ. Pour cette raison, nous avons plutôt estompé l'effet HDR, de façon à ne pas être trop distrait par ces hautes lumières qui seraient devenues trop fortes dans l'image.

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L’ALEXA LF, le réalisateur Jean-Pierre Jeunet et les acteurs Isabelle Nanty et Alban Lenoir sur le tournage du film « Bigbug »

Comment s'est passé le tournage avec Netflix ?

Très bien. Nous avons eu une liberté totale sur « Bigbug ». Depuis deux ans, par les hasards des productions, je travaille beaucoup avec eux sur différents projets. Netflix donne aux réalisateurs et aux équipes les moyens de bien travailler, et ils sont très soucieux de faire en sorte que tout se passe bien sur les tournages.

Interview avec le gaffer Laurent Héritier sur l’installation lumière de « Bigbug »

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Stéphane De Groodt et Elsa Zylberstein dans “Bigbug.” 

L'éclairage du décor de 1 085 m2 de « Bigbug » sur la scène B5 des Studios de Bry-sur-Marne n'a pas été une mince affaire. Au total, l'équipe lumière a utilisé près de 250 sources lumineuses différentes. Comment avez-vous fait ?

C'est la plus belle installation lumière que j'ai réalisée de toute ma carrière. Son montage a été un travail très complexe, notamment en termes de commande DMX. Il y avait 125 SkyPanels installés en top pour assurer l'éclairage du décor, constitué d'une maison avec jardin et d'une rue sur fond bleu. À cela s'ajoutaient toutes les LED intégrées dans le décor. C'est un film où Thomas jouait beaucoup sur les contrastes colorés. Il partait du principe que la lumière c'est un décor.

Comment avez-vous utilisé les ARRI SkyPanels ?

J'utilisais les SkyPanels en 16 bits parce qu'on avait des changements de couleur dans le plan, par exemple du turquoise au rose fuchsia. Le 16 bits adoucit les variations de couleur. Les 250 sources étaient pilotées par une console GrandMA2 grâce au protocole RDM qui permet le dialogue dans les deux sens avec les projecteurs. Le RDM m'a aussi été très utile pour faire les mises à jour à distance du logiciel sur les SkyPanels installés au-dessus du plafond et qui étaient difficilement accessibles. Au total, nous avions 24 univers DMX programmés sur la console. Les SkyPanels sont un choix artistique de Thomas Hardmeier et Jean-Pierre Jeunet parce « Bigbug » est un film très coloré et que les SkyPanels sont très fiables et très stables en couleur. Quand je changeais l'intensité ou la couleur sur les 93 SkyPanels qui éclairaient l'intérieur de la maison, j'étais sûr qu'ils allaient tous réagir exactement pareil.

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« C'est un film où Thomas jouait beaucoup sur les contrastes colorés. Il partait du principe que la lumière c'est un décor. » déclare Laurent Héritier. 

L'éclairage de « Bigbug » a-t-il posé des problèmes particuliers ?

Il faut comprendre que sur « Bigbug », l'histoire se déroule en continu sur 28 heures. On passe de la lumière du matin à l'après-midi, puis au début de soirée et à la nuit, pour finir à l'aube. L'enjeu pour Thomas, c'était de rendre vivant ce huis clos, que le spectateur voit défiler le temps. Pour l'extérieur de la maison, nous avions installé deux HMI 18K ARRIMAX sur un pont que l'on pouvait faire rouler où l'on voulait. Cela nous donnait le soleil de jour sur la rue et le jardin. Nous avions aussi un ARRIMAX 18K qui rentrait la lumière dans le salon. Toujours à l'extérieur de la maison, j'ai monté une grande boîte à lumière de 30 m x 2,2 m, avec 16 SkyPanel S60s et 9 Lux LEDs. Nous avions aussi 3 SkyPanel S360s sur pont roulant que l'on déplaçait de droite à gauche en fonction de l'heure de la journée, en plus des réglages d'intensité. Enfin, nous avons construit une énorme boîte à lumière de 30 m x 14 m, avec 22 SkyPanels, en douche et double diffusion, pour obtenir la lumière hyperdouce de l'aube. 

Vous êtes le gaffer attitré de Thomas Hardmeier depuis 2002 et vous connaissez son style.

Thomas aime beaucoup créer une lumière très veloutée. Ce qui nécessite des couches et des couches de diffusion, et l'utilisation de nids d'abeille qui diffusent et dirigent la lumière. C'est quelqu'un qui travaille la lumière sur de nombreux plans, où tout est parfaitement contrôlé.

« Bigbug » est disponible sur Netflix

Image d'ouverture: Thomas Hardmeier, autres images: Netflix