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May 5, 2022

Interview avec le chef électricien Stéphane Bourgoin

Le chef électro Stéphane Bourgoin parle à ARRI de ses derniers projets américains comme « The Last Duel » ou « Emily in Paris » tournés en France et éclairés par ARRI Lighting.

May 5, 2022

Chef électricien chevronné, Stéphane Bourgoin travaille régulièrement sur les nombreuses productions américaines qui viennent tourner en France. Après les très remarquées séries « Patriot » et « Emily in Paris », il est intervenu récemment sur « Le Dernier Duel » de Ridley Scott et « John Wick 4 » de Chad Stahelski. Il nous raconte son travail à la tête de l'équipe lumière sur ces productions américaines de grande ampleur.

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Portrait de Stéphane Bourgoin

Sorti fin 2021 « Le dernier duel » de Ridley Scott est une réussite cinématographie incontestée. Pour cette épopée médiévale aux partis pris visuels très forts, le réalisateur britannique aura choisi de tourner six semaines en France, précédées d'un long travail de préparation en Irlande sur maquettes. « Travailler auprès de Ridley Scott, c'est un rêve d'enfance », explique Stéphane Bourgoin. « La découverte de « Blade Runner » à 10 ans, avec mon père, m'a donné envie de faire du cinéma. 35 ans après, j'ai eu un plaisir énorme de me retrouver sous une tente avec Ridley Scott et son directeur de la photographie, Dariusz Wolski, à construire la lumière du « Dernier Duel ». J'avais le sourire tous les jours en allant sur le plateau. » 

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Installation de cinq ARRIMAX 18kW sur le tournage de « The Last Duel » de Ridley Scott

« Un tournage avec Ridley Scott, c'est une équipe de 600 personnes », souligne Stéphane Bourgoin. « C'est une autre échelle par rapport au cinéma français. Dans les intérieurs, il tourne chaque plan avec 4 caméras en même temps. Cela amène une continuité, une fluidité à ses films. Du coup, une séquence peut aller très vite à tourner. Pour l'équipe lumière, les 4 caméras, c'est une grande contrainte. Il faut trouver des solutions d'éclairage qui conviennent sans prendre trop de place sur le plateau. Car nous étions toujours en décor naturel. Le chef opérateur créait des directions de lumière par zone avec des taches de lumière. Il y en a une qui va chercher un visage, l'autre un plan plus large... Comme les caméras sont intelligemment placées, tous les plans sont beaux. Et il faut voir la rapidité avec laquelle Ridley Scott décide des axes caméra sur le plateau. C'est impressionnant. »

« Dans les châteaux médiévaux, l'idée n'était pas d'installer des rigs partout pour tout contrôler », insiste le chef électro. « Ridley Scott et Dariusz Wolski aiment laisser la place à ce qui peut amener de la vie, comme un rayon de soleil qui entre dans une salle. À ce moment-là, ils faisaient déplacer tout le set pour en profiter. La base de l'éclairage était des HMI ARRIMAX 18K que j'installais sur des Manitou avec des cadres 6x6, pour éclairer plus fort, plus loin, tout en étant doux. L'ARRIMAX est un outil parfait pour éclairer de grandes surfaces. Dans les intérieurs, j'ai réalisé quelques boîtes à lumière de 2x2m avec des SkyPanels. Nous avons aussi beaucoup travaillé tous les effets feux, avec des reprises de rampes à gaz qui nous permettaient d'obtenir la petite brillance sur le visage. Car, même si la tonalité générale du film est assez grise, la lumière n'est jamais plate. Il y a toujours une direction de lumière, plus forte à certains moments, moins à d'autres. »

Avant d'intervenir sur des productions américaines en tournage en France, Stéphane Bourgoin a eu un long parcours dans le cinéma français. Depuis 2005, il a dirigé l'équipe lumière sur des films remarqués comme « Holy Motors » (Leos Carax) et « Le mystère Henri Pick » (Rémi Bezançon).

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Dix ARRIMAX 18 kW sur un tournage

C'est son travail sur la série « Patriot » (Amazon Prime Video) en 2017 qui lui ouvre les portes du cinéma américain. « La saison 2 de « Patriot » a été entièrement tournée à Paris », explique le chef électricien. « C'est une série très haut de gamme, tournée comme un long métrage, avec une image magnifique. Sur les productions américaines, il faut prendre tout le matériel dont on a besoin, sans chercher à optimiser comme on le ferait sur les films français. On va vous reprocher de ne pas avoir pris assez de matériel plutôt que l'inverse. »

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Douze ARRIMAX 18kW sur le tournage de la série « Patriot »

« Sur cette série, le DOP James Whitaker cherchait un contrôle absolu de la lumière. En plein jour, il fallait construire d'énormes boîtes noires de 6x6m pour faire du négatif et créer un dégradé sombre sur le visage du personnage principal. En intérieur, le plus gros décor était le Palais Brongniart (ex-Bourse de Paris) avec ses arches énormes, qui avait été transformé en banque. Derrière les fenêtres, j'ai installé vingt ARRIMAX 18K, dont le faisceau devait être réglé en inclinaison au degré près. À cela s'ajoutaient des SkyPanels à la face sur des 12x12 en Ultrabounce pour donner du modelé. L'image de la série a été très remarquée aux Etats-Unis. Elle m'a donné la crédibilité pour travailler sur d'autres productions américaines, comme « Emily in Paris ». » 

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Quatre ARRIMAX sur le tournage de la série « Emily in Paris »

Signée par Darren Star, le créateur de « Sex and the City », « Emily in Paris » aura connu en 2020 un hit planétaire, devenant le plus gros succès de Netflix pour une comédie. Situé dans un Paris glamour, « Emily in Paris » fait la part belle aux vêtements de créateurs qui sont la vraie star de la série avec Lily Collins. « Je suis intervenu sur les Saisons 1 & 2 aux côtés du directeur de la photographie Steven Fierberg », explique le chef électro. « Nous avons travaillé très étroitement ensemble. Il m'a très vite fait confiance. Sa ligne directrice était d'obtenir une image jolie, glossy, mais en même temps douce. Dans le grand décor de l'agence, construit à La Cité du cinéma, nous avons utilisé des projecteurs tungstène ARRI STUDIO T12 pour faire les entrants de soleil et obtenir cette teinte chaude. Ils étaient montés sur des rails pour changer facilement les directions de lumière et restituer les différents moments de la journée. J'avais aussi installé une boîte à lumière au plafond pour éclairer le décor. Pour les faces, nous utilisions des SkyPanels en rebond sur de grandes toiles diffusées. Nous avons beaucoup travaillé les brillances sur les peaux des personnages, de façon à donner un côté glossy aux lèvres et aux pommettes. J'ai aussi utilisé régulièrement les SkyPanels sur les séquences de nuit. Cela nous permettait de travailler très facilement les couleurs. Nous mélangions une dizaine de SkyPanels avec des Astera pour créer des rendus de soirées dans des bars ou des boîtes de nuit. »

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« Pour les faces, nous utilisions des SkyPanels en rebond sur de grandes toiles diffusées. »

« En 2021, j'ai travaillé plusieurs semaines à Paris sur « John Wick 4 »* de Chad Stahelski avec le directeur de la photographie Dan Laustsen », explique Stéphane Bourgoin. « À un moment, nous refaisions une vue de New York sur fond vert sur un plateau de 1000 m2 aux studios de Bry-sur-Marne. Nous avions besoin de créer un ciel uniforme et avec mon équipe, j'ai installé 130 SkyPanels en très grande hauteur. Il fallait que ce soit le plus diffus possible et surtout, obtenir le même niveau partout. Les SkyPanels étaient parfaits. Ils donnent une lumière très douce et très large. Je n'ai même pas eu besoin d'utiliser des projecteurs supplémentaires pour les fonds verts. Pour moi, le SkyPanel est le premier projecteur LED vraiment abouti sur le marché. C'était une vraie révolution quand il est sorti. Cela a changé la manière de travailler des chefs opérateurs. Aujourd'hui, ils peuvent affiner leur image sans déranger le réalisateur et le plateau. C'est un gain monumental. C'est aussi un système très bien conçu. On sait que les dalles LED ont parfois tendance à fatiguer. Avec le SkyPanel, on fait un upgrade logiciel, on relie les projecteurs et ils se corrigent entre eux. C'est très bien conçu. »

*Sur la partie française du film
Helmut Prein étant le gaffer principal 
Matériel fournit par ARRI Rental