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Feb. 28, 2022

Crystel Fournier AFC sur « Great Freedom » tourné en ARRI ALEXA Mini

Les European Film Awards 2021 ont récompensé Crystel Fournier AFC pour son travail sur « Great Freedom » où elle a choisi de travailler avec ARRI ALEXA Mini et SkyPanels.

Feb. 28, 2022

Primée aux European Film Awards 2021 pour la photographie de « Great Freedom » de Sebastian Meise, la directrice de la photographie Crystel Fournier AFC, parle à ARRI de son travail sur ce long métrage autrichien qu'elle a tourné en ALEXA Mini.

Comment avez-vous réagi à votre prix de Meilleure directrice de la photo pour « Great Freedom » aux European Film Awards (EFA) ?

C'était une très bonne surprise. Malheureusement, je n'ai pas pu aller à la cérémonie. J'étais en tournage en Italie sur « Chiara » de Susanna Nicchiarelli. Je suis contente que cela arrive sur « Great Freedom », un film auquel je suis très attaché. J'ai l'impression d'avoir pu pousser mes idées visuelles, de les avoir assumées jusqu'au bout. Et cela a été une très bonne collaboration avec Sebastian Meise. Il y a très peu de réalisateurs qui sont d'accord pour aller aussi loin dans le travail sur l'obscurité. Je me suis régalée à la lumière sur ce film.

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La directrice de la photo, Crystel Fournier AFC et l’équipe du film de « Great Freedom » à Vienne

« Great Freedom » se passe presque entièrement dans une prison entre 1945 et 1969, où Hans purge des peines successives sous le coup de l'article 175 qui punit l'homosexualité en Allemagne à cette époque. Comment avez-vous abordé ce projet ?

Les rares scènes d'extérieur sont tournées à Vienne en Autriche et le reste dans une prison désaffectée du début XXe siècle à Magdebourg en Allemagne. Sauf la cellule d'isolement qui se situe à Berlin. C'est triste à dire mais, du point de vue cinématographique, la prison est un très beau lieu à filmer. Au début, Sebastian avait comme référence « Un prophète » de Jacques Audiard qui est presque entièrement tourné caméra à l'épaule. Après discussion, nous avons abandonné cette idée qui ne correspondait pas vraiment à l'esprit du film, qui est plus posé. Comme on suit le personnage principal sur trois périodes d'emprisonnement, il fallait marquer chacune des époques. L'immédiat après-guerre est plutôt filmé au pied et sur travelling. La fin des années cinquante, où Hans est emprisonné avec son amour Oskar, est plus en mouvement, avec des scènes dans la cour, beaucoup de déplacements. Là, nous tournions souvent au steadicam. Dans les cellules, j'utilisais plutôt un slider de façon à pouvoir me réaxer un peu.

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Franz Rogowski (Hans) et Thomas Prenn (Oskar)

Vous avez aussi marqué les époques au niveau de la lumière ?

Oui, c'était important, pour que le spectateur se repère entre des époques qui s'entremêlent dans le film. La première fois que j'ai visité la prison, notamment le grand hall central avec sa verrière et ses fenêtres latérales, il m'est apparu évident que la lumière devait être visible dans le champ. Le lieu est tellement vaste, qu'il fallait que je trouve des solutions pour faire exister le décor, au-delà des renforts de lumière que je pouvais avoir par les fenêtres. J'ai donc travaillé étroitement avec la décoration et joué sur les différentes colorimétries des lampes dans le champ. Dans la première partie, après la seconde guerre mondiale, nous avons utilisé un mélange de tungstène et de daylight, grâce à de grosses suspentes dans le champ. À la fin des années cinquante, je me suis appuyé sur des tubes fluo avec une dominante jaune-verte. Dans les années 60, ils ont été remplacés par des néons plus froid.

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« Quelle que soit la période, je suis parti du principe que la lumière venait d'en haut, avec quelque chose d'assez dur qui marque les visages. » explique Crystel Fournier AFC

Quel système caméra avez-vous utilisé ?

À l'origine, je voulais travailler avec l'ALEXA XT. J'aime beaucoup cette caméra que j'utilise fréquemment. Mais comme il y avait pas mal de plans au steadicam, j'ai finalement opté pour l'ALEXA Mini. Cela fait des années que je tourne exclusivement en ALEXA. Suivant les films, j'alterne entre la Mini, la LF et la XT. Ce sont des caméras très fiables. J'aime aussi leur ergonomie et leur rendu en sous-exposition. Je peux aller très loin dans les extrêmes, je sais qu'elles resteront très régulières en colorimétrie. Il n'y aura pas d'aplat ou de montée de bruit dans les noirs. C'était très important sur ce film où je joue beaucoup sur les ombres et où j'utilise des lumières assez dures. Au niveau des optiques, Sebastian souhaitait au départ tourner avec des optiques vintages. Mais après des essais comparatifs assez poussés, j'ai finalement opté pour des Leica Summilux parce que la série est très complète. Comme nous tournions beaucoup dans de petits espaces, je voulais avoir toutes les focales intermédiaires à disposition.

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« Quand Hans est envoyé nu au cachot, le réalisateur voulait que le personnage soit entièrement dans le noir et que la seule lumière soit celle de la trappe ouverte par les gardiens » déclare la directrice de la photo

Vous avez travaillé avec ARRI Rental. Comment cela s'est-il passé ?

Cela s'est très bien passé. « Great Freedom » est une coproduction Autrichienne et Allemande. ARRI Rental Munich nous a fourni la lumière tandis qu'ARRI Rental Vienne nous a loué les caméras : l'ALEXA Mini et l'ARRI SR3 pour les deux séquences en Super16. Au niveau des optiques des optiques, j'ai pu faire un comparatif entre les Lomo, les ZEISS grande ouverture et les Leica Summilux avec la Mini. ARRI Rental Vienne était le seul loueur qui possédait les trois séries. Nous avons été très bien accueillis pour le comparatif et nous avons pu aussi les essais maquillages avec les Summilux.

Sur “Great Freedom”, le traitement de la lumière dans les cellules n'a pas dû être simple. Comment avez-vous travaillé ?

Quelle que soit la période, je suis parti du principe que la lumière venait d'en haut, avec quelque chose d'assez dur qui marque les visages. Le genre de lumière que l'on essaie d'éviter habituellement au cinéma. De jour, j'avais des entrants de lumière en SkyPanel par la fenêtre de la cellule que partagent Hans et Viktor. À l'intérieur, j'avais installé au plafond une carcasse de Kinoflo tout en longueur dont j'ai replié les bords pour éviter d'éclairer les murs et concentrer la lumière sur les corps. Dedans, j'avais mis un Astera sur batterie pour me débarrasser le plus possible des câbles. Cela permettait de laisser les personnages libres de se déplacer dans cette cellule de 7 m2. Quand Hans est envoyé nu au cachot, le réalisateur voulait que le personnage soit entièrement dans le noir et que la seule lumière soit celle de la trappe ouverte par les gardiens, avec un effet d'éblouissement ponctuel quand elle s'ouvre. Au tournage, j'avais quand même laissé un peu de lumière pour que l'on devine le corps, mais Sebastian n'a pas hésité à opter pour le noir total à l'étalonnage.

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« De jour, j'avais des entrants de lumière en SkyPanel par la fenêtre de la cellule que partagent Hans et Viktor. » - Crystel Fournier AFC

Quelle a été la scène la plus complexe à travailler pour vous sur « Great Freedom » ?

Je crois que c'est la séquence de nuit du « Punishment Yard » où se fait envoyer Hans pour retrouver son amant Leo. Ils sont dans un coin sombre pour être à l'abri des regards des autres prisonniers mais il fallait quand même que l'on voie ce qui se passe entre eux. Je devais trouver une balance entre les deux. Sur cette scène, j'ai utilisé des lampes au mercure, repris plus haut par un SkyPanel 30, pour donner cette idée d'obscurité dans les plans larges. Quand on se rapproche des deux personnages, les plans serrés sont un peu plus éclairés.

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Franz Rogowski (Hans) et Anton von Lucke (Leo) lors de la séquence de nuit du « Punishment Yard »

Quels sont vos projets futurs ?

Je viens de terminer le tournage en Italie de « Chiara » de Susanna Nicchiarelli, qui est un film d'époque situé au Moyen Âge. On suit la lutte de Sainte Claire, qui a cofondé l'ordre des franciscains avec Saint-François d'Assise. J'ai tourné avec une ALEXA XT en caméra principale et j'avais une ALEXA Mini pour le steadicam. C'est le troisième long métrage sur lequel je travaille avec cette réalisatrice qui évolue dans des univers très différents d'un film à l'autre. À chaque fois, il nous faut trouver l'identité visuelle du film. C'est très intéressant.

Vous avez longtemps travaillé sur des longs métrages en France, notamment sur les trois premiers films de Céline Sciamma. C'est un choix de ne tourner qu'à l'étranger aujourd'hui ?

Non, c'est venu comme cela. J'avais envie de travailler à l'étranger tout en alternant avec des films français. Mais j'ai eu de plus en plus de propositions en Europe et depuis 2017 je me retrouve à travailler majoritairement à l'étranger. Mais ces films ne sont pas tous sortis en France, peut-être est-ce la raison pour laquelle on me fait moins de propositions ici. Pourtant, je compte bien revenir tourner dans l'hexagone. Cela me manque.